Essais

L’image des femmes chez James Cameron

James Cameron a une grande affinité pour les personnages féminins. Ils sont souvent le personnage principal dans ses films (Terminator, Aliens, Titanic) ou sont essentiels à l’histoire (Helen Tasker dans True Lies, Lindsey Brigman dans Abyss, etc.). Ces femmes partagent entre eux plusieurs traits de caractère qui sont chers au réalisateur.

J’examinerai ici l’image des femmes dans les films de James Cameron, de Terminator (1984) à Titanic (1997).

L’instinct maternel

L’instinct maternel est présent dans les personnages féminins de Cameron. Dans Terminator 2, Sarah Connor s’enfuit de l’asile afin de protéger son fils, le futur leader de l’humanité. Dans Titanic, Margaret Brown adopte officieusement Jack Dawson et se charge de le rendre présentable pour Rose, en plus de le conseiller sur les manières à avoir en haute société. Cependant, l’exemple le plus puissant de cet instinct est le film Aliens (1986).

Le film est bâti sur cet instinct totalement féminin. C’est lui qui gouverne l’histoire. Après avoir survécu à l’attaque d’une créature xénophobe et agressive, Ripley, le personnage principal du film, et son chat sont ranimés après avoir passé plus d’un demi-siècle en cryogénie. À son retour à la civilisation, elle s’effondre lorsqu’on lui annonce que sa fille est morte de vieil âge depuis deux ans. On la voit déchirer par la révélation, d’autant plus qu’elle avait promis à sa fille de revenir avant son prochain anniversaire, il y a de cela plus de cinquante ans.

Plus tard, à l’intérieur du complexe des colons, elle s’attache à Newt aussitôt la petite survivante découverte. Elle empêche aux marines d’interroger la fille quand l’interrogatoire se fait trop brutal. C’est elle qui réconforte la petite et l’incite à parler. Elle lui donne à boire et lui nettoie la figure, d’une chaleur et d’une attention maternelles. Tout au long du film, elle veille sur elle, que ce soit en l’attachant à l’intérieur du véhicule armé avant de déraper avec pour aller chercher les marines emprisonnés dans la ruche ou en la gardant toujours près d’elle lors de l’attaque des xénomorphes contre les survivants plus tard durant le film.

La disparition de Newt sous la moulinette peu après l’attaque des xénomorphes affecte Ripley autant que l’annonce de la mort de sa vraie fille du début du film. Si Newt meurt, ce serait un échec de plus pour elle, un échec en tant que mère. Même après que Newt ait été ravie par des xénomorphes, elle ne renonce pas; pour elle, Newt ne peut pas être mort. Elle ne veut plus échouer. Elle est persuadée de pouvoir la ramener et, à l’opposé de son interdiction à Hudson et Vasquez lorsque ces deux voulurent sauver leurs camarades pris dans le repaire des créatures, elle met sa vie en péril en y pénétrant pour sauver Newt.

À travers le film, trois personnes font l’objet de l’affection maternelle de Ripley. Elle est introduite, en animation suspendue, un chat dans les bras remplaçant sa fille. Nous sommes témoin de l’amour qu’elle a pour sa fille lorsque Burke lui annonce sa mort. Quoiqu’absente, ce personnage galvanise à nos yeux cet aspect de Ripley et nous prépare à l’apparition prochaine de Newt et sa conséquence sur la narration. Enfin, Newt qui, en détresse, permet à Ripley de se racheter à ses yeux de n’avoir pas rempli son rôle de mère envers sa vraie fille. Ripley promet à Newt de ne jamais l’abandonner et c’est cette promesse qui l’incite à veiller sur Newt, une promesse semblable à celle qu’elle avait faite auparavant à sa petite fille. Le film se termine sur une image de Ripley et Newt, allongés l’un à côté de l’autre, donnant l’illusion que Newt est dans les bras de Ripley. Le fait que cette image clôture le film lui donne sa raison d’être : l’amour de Ripley pour Newt et la rédemption de Ripley envers la mémoire de sa fille. Le film Terminator se termine sur une scène où on voit une Sarah Connor enceinte de son fils John qui s’apparente à l’image de fin d’Aliens.

Il est intéressant de comparer les motivations du protagoniste (Ripley) et de son antagoniste principal, la reine des xénomorphes. Bien que physiquement absente durant les premiers trois quarts du film, sa présence n’en est pas moins sentie. Elle est mentionnée lorsque Ripley et les marines s’interrogent sur l’organisation sociale des xénomorphes. C’est là qu’apparaît initialement l’idée d’une ruche, principalement contrôlée par la reine, une xénomorphe gigantesque et redoutable. Une fois la reine révélée, devant nous apparaît cette figure matriarcale imposante, pondant afin d’assurer sa progéniture. L’opposition entre la reine et Ripley apparaît alors comme ironique puisqu’une opposition entre semblable, entre mères. Pour sauver sa progéniture, Ripley menace celle de la reine, puisque celle-ci a compromis la sienne, même si, nous conviendrons, Newt n’est pas la progéniture de Ripley.

Ripley et la reine sont motivés par l’instinct maternel jusqu’à adopter des comportements similaires. Tel que Ripley qui, malgré le danger, pénètre la ruche pour retrouver Newt, la reine, pour se protéger sa ruche, envoie ses drones attaquer le reste des marines. Aussi, Ripley, pour se venger du rapt de Newt, brûle les œufs autour d’elle avant de quitter le repaire des créatures, devant le regard enragé de la reine. C’est un geste de pure vengeance, inutile à cause de l’explosion thermonucléaire imminente. La reine adopte elle aussi la même attitude et poursuit Ripley de la ruche à la plate-forme, puis au vaisseau en orbite, juste afin de la tuer. Les deux mères s’affrontent, chacune l’image déformée de l’autre.

Terminator 2 exhibe aussi cet instinct. Sarah Connor, enfermée dans un hôpital psychiatrique, s’enfuit afin de pouvoir protéger son fils John du T-1000 envoyé pour le tuer. Lorsque, pendant la fuite de l’hôpital, le T-1000 menace son fils dans un ascenseur, elle se met en travers de sa route pour le protéger. Plus tard, durant l’attaque de la compagnie Cyberdyne, elle prend soin de le faire sortir sans égratignure de l’immeuble assiégé par la police. Face à la naïveté de Miles Dyson, déclarant qu’il ne pouvait pas savoir ce qu’il allait créer, elle explose sur lui et lui fait la morale sur la création. « Des hommes comme vous ont créé la bombe nucléaire », lui dit-elle. « Vous ne savez pas ce que c’est de créer, de donner naissance ». Dans la séquence finale du film, à la fonderie, elle met John en sécurité avant d’affronter le T-1000 toute seule, au péril de sa vie. Même sous menace de mort, elle refuse d’appeler à John, son instinct maternel guidant ses actions.

Deux figures des personnages féminins utilisés par Cameron sont intimement liées : la victime et la guerrière. Le réalisateur polarise souvent l’évolution de ces personnages à l’aide de ces deux figures.

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Eric Lafalaise communique principalement en écrivant et en racontant des histoires. Il contribue au blog de cinéma Kinoreal et est producteur pour Les Studios de la Marque Rouge, artiste, photographe, friand de technologie et passionné d'intelligence.
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