Essais

L’image des femmes chez James Cameron

La guerrière

Cet aspect des femmes de Cameron est l’aspect le plus important et les plus présents de ces personnages. Le réalisateur a déjà déclaré que : « Avec des femmes fortes, il a toujours de l’espace pour l’exploration ». La majorité de ses films comportent une femme forte dans un rôle principal ou secondaire. Des personnages tels que Ripley dans Aliens, Lindsey Brigman dans Abyss et Sarah Connor dans Terminator 2 sont l’exemple typique de la femme d’action hollywoodienne, une figure stéréotypée dans d’autres films tels que Souviens-toi, Charlie (Renny Harlin, 1996). Mais, le plus intéressant est l’étroite relation entre cette figure et celle de la victime dans les films de Cameron.

Dans Aliens, Ripley débute en tant que victime. Nous garderons en mémoire que dans le film Alien de Ridley Scott, elle représente totalement cette figure. C’est un film analogue à Terminator puisque Ripley y est poursuivie par la créature pendant tout le film. Aliens étant la continuation de ce personnage, c’est une caractéristique de Ripley qui perdure dans le film. Au début d’Aliens, en plus de l’enquête menée sur elle, elle est assaillie de cauchemars horribles se rapportant à son expérience dans l’espace.

Pour la première heure du film, Ripley adopte un tempérament passif envers toutes ses expériences tel que l’annulation de son permis par les enquêteurs. Cameron montre cette facette de Ripley dans la scène où Burke lui demande de faire partie de l’expédition de secours partant pour la planète des xénomorphes. Il insiste encore et encore malgré la réponse négative de Ripley. Il la déstabilise et essaie de profiter de sa faiblesse. On voit à son visage sa situation, harcelée par Burke. Mais elle se fait autoritaire et dit catégoriquement non et prie à Burke et au Lt. Gorman de quitter ses quartiers. Plus tard, elle a un autre cauchemar et décide de faire partie de l’expédition. C’est le moment où elle commence à perdre sa passivité. Elle prend son destin en main et décide d’affronter sa peur, de ne plus jouer la victime.

Arrivée sur la planète, elle hésite avant de pénétrer dans le complexe des colons, visiblement effrayée, mais dompte sa peur et s’y engouffre à la suite des colons. Elle les accompagne à la découverte de la « ruche » où les marines se font attaquer par les créatures. Alors, elle cesse d’être une victime et adopte le tempérament contraire; elle devient active. Elle prend contrôle de la situation. C’est elle qui galvanise les survivants afin de quitter la planète vivants. Alors que Hicks qui montre le maniement d’armes, il la sous-estime et hésite à lui montrer le lance-roquettes, mais elle l’en convainc. Et c’est elle qui sauve Hicks et Newt et qui élimine la reine des xénomorphes, de par sa force et son intelligence.

On remarque la même progression dans Terminator et Terminator 2. Sarah Connor est une victime dans Terminator. Pourchassée par le cyborg futuriste, elle s’en remet entièrement à Kyle Reese pour la tirer de sa situation. Mais, à la fin du film, lorsque Reese est blessé, c’est elle qui le garde en vie jusqu’à la scène finale dans l’usine. C’est elle qui se débarrasse finalement du Terminator. Dans Terminator 2, la continuation du personnage, nous remarquons une Sarah Connor changée, athlétique, très physique, active. Cette fois-ci, elle force les évènements. Persécutée par des rêves du futur apocalyptique décrit par Reese, c’est son action pour empêcher la catastrophe qui l’enferme dans un hôpital psychiatrique. Mais, elle se sort elle-même de sa situation en organisant sa fuite. La séquence de fuite de l’hôpital montre l’intelligence, l’athlétisme et les forces, physique et de caractère, du personnage. Elle décide aussi d’éliminer le créateur de Skynet, Miles Dyson, afin d’empêcher les futurs évènements. Elle conduit son fils dans le désert afin de le protéger. Elle joue une partie essentielle de la protection de John Connor.

La même structure d’évolution peut être remarquée dans True Lies avec Helen Tasker et dans Titanic avec Rose. Les deux passent de personnage faible et consistant à exhiber la force de caractère et la détermination nécessaires afin de régler leurs problèmes immédiats. Au début de Titanic, la situation de Rose est tellement désespérée qu’elle tente de se suicider. D’ici la fin du film, son seul désir est de survivre, en dépit de tout.

Un autre caractère féminin notoire de Cameron qui ne passe pas à travers cette transition est le personnage de Lornette Mason dans Strange Days (Kathryn Bigelow, 1995; scénario de James Cameron). Garde du corps, amoureuse de Lenny Nero, elle le protège des assassins lancés après lui. Elle exhibe cette force de caractère commune aux personnages féminins de Cameron sans perdre de sa féminité, une conception de la femme peu répandue dans le cinéma hollywoodien.

À l’analyse des personnages féminins de Cameron, s’apparentant pour la majorité aux amazones de la Grèce antique, il ne fait aucun doute que le réalisateur ressente empathie et admiration à l’égard de la gent féminine. Leur personnalité relève sûrement pour Cameron du fantasme. Ces personnages sont la personnification de caractères masculins dans un corps de femme. Comme quoi, une femme dans un monde d’homme doit adopter ces caractéristiques pour survivre. Tout en développant cette agressivité et violence, ces personnages demeurent conscients de leur féminité. Ripley et Sarah Connor conservent leur instinct maternel. Rose et Lornette Mason n’en demeurent pas moins éprises de leurs homologues masculins. Avec la vision des femmes de Cameron, distincte et très populaire, les personnages féminins s’accaparent un boy’s club autrefois exclusif : les films d’action. Ainsi d’autres, moins inspirés, font leur apparition dans le cinéma hollywoodien : Ellen dans The Quick and The Dead (Sam Raimi, 1995), Charlie dans Souviens-Toi, Charlie, etc. Mais, ce qui sépare ceux de Cameron des dérivés sera toujours l’amour du créateur pour sa création et l’honnêteté de leur représentation.

Bibliographie

James Cameron sur IMDB

WGA website: http://www.wga.org/WrittenBy/1997/1297/titanic.html (Lien brisé)

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Eric Lafalaise

Eric Lafalaise communique principalement en écrivant et en racontant des histoires. Il contribue au blog de cinéma Kinoreal et est producteur pour Les Studios de la Marque Rouge, artiste, photographe, friand de technologie et passionné d'intelligence.

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