En analogie à la destinée que mentionne Volker Schlöndorff, le travail policier dans M est imbu de qualités innovatrices dans le cinéma. Après la publication dans un journal de la lettre du meurtrier, un inspecteur explique au commissaire de police les mesures qui ont été prises pour le capturer. Par un montage de scènes montrant en image ce que l’inspecteur explique à la bande-son, Lang expose les techniques de travail de la police avec une sorte d’admiration. De l’analyse d’empreintes digitales trouvées sur les lieux du crime à l’analyse de son écriture sur la lettre envoyée aux journaux, le réalisateur présente les policiers se livrant à leurs analyses dans des décors grandioses et expressionnistes — un policier face à la reproduction agrandie d’une empreinte, les marqueurs d’identification représentés par des chiffres, par exemple. L’analyse de l’écriture aussi leur permet de cerner la personnalité du meurtrier, Lang confirmant l’exactitude de leurs conclusions en montrant à l’image Beckert se dévisageant dans le miroir.
Il se dégage de ces scènes un fort sentiment d’inexorabilité; leur agencement provoque une accumulation dans l’esprit du spectateur. Chacun des éléments que cite l’inspecteur à son commissaire vient resserrer l’étau au cou de Beckert. La minutie cartésienne qui émane de la méthode policière rapproche le meurtrier de son destin. Lang joue un peu avec cette inexorabilité en faisant Beckert quitter son appartement quelques instants avant l’arrivée d’un inspecteur, son nom figurant sur une liste de malades récemment relâchés de l’asile. Plus tard, en énumérant systématiquement ce qu’il a découvert chez Beckert, l’inspecteur permet à Lohmann de lier Beckert à l’un des meurtres.
Mais, Lang représente-t-il d’un bon œil la police dans M? Selon Roger Ebert, aucune facette de la société allemande n’est épargnée dans le film : « Quand vous regardez M, vous voyez une haine pour l’Allemagne du début des années 1930 qui est palpable et visible ». Les policiers ne semblent pas échapper au cynisme de Lang. Lors de la descente dans la boîte de nuit, l’inspecteur Lohmann, responsable de l’opération, vérifie les papiers de tous ceux présents. Le caractère irascible et fasciste de la vérification ne parle pas en faveur des policiers. Plus tard, deux réunions auront lieu, entre les chefs criminels et entre les chefs de la police afin d’organiser la chasse pour le meurtrier. Comme le déclare Ebert : […] Lorsque Lang coupe entre les deux conférences au sommet — les policiers et les criminels — nous sommes frappés par combien les deux groupes sont similaires, visuellement. Les deux s’asseyent autour de tables dans des salles lugubres, fumant de façon si volumineuse qu’à certains moments, leurs faces sont invisibles ». Le montage parallèle montre donc ici les ressemblances entre deux groupes d’apparence opposés.
Tel que relaté dans Fritz Lang, Circle of Destiny, l’intérêt de Lang pour les méthodes policières provient, de toute évidence, de ses démêlés avec la loi lors du suicide de sa première femme au début des années 1920. Morte à la suite d’une altercation avec Lang et par l’arme du réalisateur, l’affaire fut étouffée à cause de l’importance de Lang pour l’Allemagne. Mais, comme le révèle le producteur français Pierre Rissient, cette expérience marqua Lang et engendra ce thème de suspicion qui traverse son œuvre. C’est cette expérience, ainsi que des remarques sur la société, qui colore sans doute la caractérisation des policiers dans M. Par exemple, lorsque Lohmann, pour aider un collègue, ment à un bandit afin de lui faire avouer qui Schraenker, le chef des bandits, a capturé dans l’immeuble des bureaux, cela lui vient naturellement. Il se compromet pour arriver à ses fins et, sans se rendre compte, penche de plus en plus dans le monde corrompu des brigands.