Le discours entier de Sylvie Groulx dans ces deux films peut aussi être considéré comme une réflexion sur la famille contemporaine. Dans Qui va chercher Giselle à 3 h 45?, elle étudie l’impact du mouvement de libération des femmes sur leur désir de procréer et les nouvelles familles que cela engendre. Parfois, elle place en opposition l’idée de la mère dévouée avec celle de la femme libérée en plaçant sur une table deux femmes représentant chacune un point de vue.
J’aime, J’aime pas, de son côté, met en exposition les familles monoparentales, dont le nombre est en évolution croissante depuis l’éclatement des familles et le mouvement féministe. Winnie élève son petit fils seul et continuera de l’élever de tel, même après la conclusion du film.
Sylvie Groulx critique la position des hommes dans ces films. Bien que présent, leur temps à l’écran est minime. Le meilleur exemple de cette dichotomie (absence-présence) se retrouve dans J’aime, J’aime pas où Bruno, l’ancien amant de Winnie, quoiqu’absent de l’écran, est très présent dans les discussions des personnages.
Dans Qui va chercher Giselle à 3 h 45?, beaucoup des intervenantes ne concèdent qu’un rôle de soutien aux hommes. Une s’exclame que les hommes ne veulent pas plus d’enfants qu’il faut. Sylvie Groux capture un ensemble de déclarations très féministes qui mettent à mal l’importance de l’homme dans la cellule familiale. Les hommes s’éclipsent pour laisser place à ce discours féministe et n’apparaissent que périodiquement en appuyant, par leur incapacité à adopter le rôle de mère, ledit discours. Dans un autre documentaire, Le grand remue-ménage, La réalisatrice mettra en situation deux hommes de générations différentes au machisme prononcé et exhibant une attitude dénigrante envers les femmes.
Il devient évident au visionnement de ces deux films de l’influence de la partie féminine et de celle féministe de la réalisatrice. Elle s’attarde sur le rôle de mère, un rôle exclusivement réservé aux femmes et y jette un regard distinct. Elle tente de déterminer la condition de la famille dans le sillage de la libération des femmes. Elle s’interroge sur le rôle de l’homme dans cette nouvelle famille. Il est intéressant de constater son regard sur les hommes comme ceux qu’elle met en scène dans Le grand remue-ménage. La force de son discours montre l’importance de Sylvie Groulx dans le cinéma féminin québécois.